jeudi 19 avril 2018

Majorisme inquiétant

source : http://www.lemonde.fr/energies/article/2018/04/18/total-va-acheter-74-de-direct-energie-pour-1-4-milliard-d-euros_5286891_1653054.html

Total va acheter Direct Energie et espère bousculer le marché de l’électricité

Le géant pétrolier a signé un accord pour acquérir 74 % du plus gros des fournisseurs alternatifs d’électricité pour 1,4 milliard d’euros.
LE MONDE | • Mis à jour le | Par



A picture shows the logo of French oil company headquarters Total, on October 21, 2014 in La Defense buisness district, near Paris. Total, left without a leader after the death in a Moscow air accident of chief executive Christophe de Margerie, is a top global oil group and the biggest company in France in terms of sales and profits. AFP PHOTO / MARTIN BUREAU / AFP PHOTO / MARTIN BUREAU

Nouveau bouleversement dans le marché de l’électricité : quelques mois après avoir lancé une offre destinée aux particuliers, le géant pétrolier Total a annoncé, mercredi 18 avril au matin, l’acquisition à venir de Direct Energie, le plus gros des fournisseurs alternatifs d’électricité et de gaz. Concrètement, Total va acheter 74 % de Direct Energie pour 1,4 milliard d’euros auprès de ses principaux actionnaires.

Numéro trois du marché de l’électricité et du gaz en France derrière EDF et Engie (ex-GDF Suez), Direct Energie est actuellement valorisé en Bourse à 1,45 milliard d’euros.
Total lancera ensuite une offre publique obligatoire sur les actions restantes cotées en Bourse, au même prix de 42 euros par action. Un prix assez avantageux, puisqu’il valorise Direct Energie à hauteur de 12,5 fois son bénéfice 2018 avant impôt.
Le conseil d’administration de Direct Energie a approuvé cette opération à l’unanimité, mardi 17 avril, et devrait recommander aux actionnaires restants de vendre leur participation.
L’opération devrait être effective avant la fin de l’année 2018. Le groupe n’a pas encore décidé s’il conserverait la marque Direct Energie ou si toutes les activités allaient être intégrées sous l’étiquette Total. « Il n’y aura qu’une seule marque à la fin », a expliqué au Monde Patrick Pouyanné.
 
Pour le PDG de Total, cette opération « s’inscrit dans la stratégie du groupe d’intégration sur l’ensemble de la chaîne de valeur du gaz-électricité ». M. Pouyanné a proposé à Xavier Caïtucoli, le PDG de Direct Energie, de prendre la tête du nouvel ensemble et assure qu’il n’y aura aucune destruction d’emplois. « C’est plutôt l’inverse », plaide le patron de Total, « on va plutot créer des emplois ».

Viser plus de 6 millions de clients en France

M. Pouyanné, qui a préparé ce rachat ces dernières semaines en discutant directement avec l’un des actionnaires principaux de Direct Energie, Jacques Veyrat, ne fait pas mystère, depuis plusieurs mois, de la volonté de Total de s’imposer comme un acteur majeur sur le marché de l’électricité. « On veut aller de la pompe à la prise », explique souvent le patron de Total, qui aime à répéter que « la demande de demain sera aussi électrique ».
Après le rachat du fournisseur d’électricité belge Lampiris, en 2016, Total a lancé, en septembre 2017, une offre nommée Total Spring. La stratégie : des offres à un prix inférieur à celui d’EDF avec une dimension « verte », puisqu’il s’agit d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables. En l’annonçant, le PDG de Total avait clairement affiché son ambition : « On veut convaincre trois millions de clients rapidement », expliquait-il à l’époque.
Avec cette acquisition, Total passe de 1 % à 7 % de part du marché de l’électricité
Le rachat de Direct Energie s’intègre totalement dans cette stratégie : le plus grand des fournisseurs alternatifs compte 2,7 millions de clients, qui viennent donc s’ajouter aux quelque centaines milliers de clients de Total Spring. Le groupe nouvellement constitué annonce désormais sa volonté de viser plus de 6 millions de clients en France et plus de 1 million de clients en Belgique à l’horizon 2022.
 
« On devient le plus gros fournisseur alternatif en France », se réjouit M. Pouyanné, qui rappelle qu’avec cette acquisition, Total passe de 1% de part du marché de l’électricité à 7 %.
Dans un marché de l’électricité encore largement dominé par EDF, la concurrence s’est accrue ces derniers mois, avec l’arrivée de plusieurs nouveaux acteurs, comme Total ou CDiscount. Leur objectif commun : faire décrocher des clients historiques d’EDF, qui détient encore 83 % d’abonnés, soit plus de 26 millions de ménages.

Promesse de baisse des prix

L’opérateur historique perd 100 000 clients par mois, selon les chiffres de la Commission de régulation de l’énergie, et c’est bien cette cible que les concurrents visent. Au lancement de Total Spring, Patrick Pouyanné expliquait vouloir « réveiller les dormeurs ».
Mais la tâche s’avère plus difficile que prévu. Les Français connaissent mal le marché de l’électricité et changent surtout de fournisseur lorsqu’ils déménagent. Direct Energie a mis quatorze ans à construire laborieusement son portefeuille de clients.
Total, comme ses principaux rivaux, a décidé d’attaquer le marché en promettant des baisses de prix importantes à ses futurs clients. Mais sa filiale Total Spring a été épinglée, vendredi, par l’association Consommation Logement Cadre de vie (CLCV), qui l’a assignée en justice – ainsi qu’Engie et CDiscount – pour « pratiques commerciales trompeuses ».
 
Avec cette transaction, Total se renforce également dans la production d’électricité. Direct Energie a investi depuis plusieurs années dans des centrales électriques à gaz et des parcs éoliens, à travers sa filiale Quadran. Direct Energie a d’ailleurs une centrale électrique en construction à Landivisiau (Finistère) – qui est soumise à une forte opposition locale.
Cette capacité de production viendra renforcer les investissements récents réalisés par Total dans le solaire : le groupe pétrolier a, en septembre 2017, pris une participation de 23 % dans le français EREN Renewable Energy, et devrait en prendre le contrôle à terme. Il possède aussi le fabricant américain de panneaux solaires, SunPower.


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