Discours aux évêques : la gauche accuse Emmanuel Macron d’atteinte à la laïcité
Les tenants d’une stricte application de la loi de 1905 dénoncent le discours prononcé par le président devant les évêques de France.LE MONDE | 10.04.2018 à 08h05 • Mis à jour le 10.04.2018 à 15h49 | Par Patrick Roger
Le discours prononcé lundi 9 avril par Emmanuel Macron au collège des Bernardins, à l’invitation de la Conférence des évêques de France, a provoqué une avalanche de réactions. Du moins certains de ses propos, qui lui ont valu les foudres d’une partie de la gauche. Le président de la République a voulu, en s’adressant aux catholiques d’ouverture, redéfinir les relations entre l’Etat et l’Eglise. « Nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé et qu’il importe, à vous comme à moi, de le réparer », a-t-il déclaré à son auditoire.
crédit photo : Kamil Zihnioglu - Le monde |
Il n’en fallait pas moins pour consterner les tenants d’une stricte application de la loi de 1905, qui dénoncent une atteinte au principe de laïcité. Au premier rang desquels Jean-Luc Mélenchon qui, dans un tweet rageur, dénonce un « Macron en plein délire métaphysique. Insupportable. On attend un président, on entend un sous-curé. » Pour le député des Bouches-du-Rhône et chef de file de La France insoumise, « le lien entre l’Eglise et l’Etat n’a pas lieu d’être, Macron va trop loin, c’est irresponsable ». Le porte-parole de son parti, Alexis Corbière, n’est pas en reste. Le député de la Seine-Saint-Denis fustige « une parole indigne d’un président d’une République laïque » et accuse celui-ci de « souffler sur les braises de tous les communautarismes religieux ».
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« Il ravive volontairement des tensions »
Il dénonce également un double discours de M. Macron sur l’immigration. « Les grandes migrations ne vont pas cesser. Elles sont le fruit de grands déséquilibres internationaux. Toujours nous tiendrons le cap entre humanisme et pragmatisme », a déclaré le président de la République aux Bernardins. « Il faut oser après la circulaire Collomb et à la veille de la discussion d’un texte asile-immigration, dont on peinerait à trouver la trace d’un humanisme revendiqué mais jamais appliqué ! », s’insurge M. Faure. « Sur l’humanisme avec les migrants, il n’écoute pas l’Eglise. Sur les sujets de société, il n’entend pas les progressistes. Sur la laïcité, il ravive volontairement des tensions au lieu d’apaiser. Un deuxième mandat Sarkozy ? », abonde Boris Vallaud, député (PS) des Landes et porte-parole du groupe Nouvelle Gauche de l’Assemblée nationale.Vive réaction, également, de Benoît Hamon. « Quand le lien entre l’Eglise et l’Etat a-t-il été abîmé ? Est-ce lors du mariage pour tous ? S’il doit être réparé ? Est-ce lors de la révision des lois de bioéthique ? sur la PMA ? », s’interroge l’ancien candidat à l’élection présidentielle. Tandis que, dans un communiqué, son mouvement, Génération·s, dénonce « une atteinte sans précédent à la laïcité ».
L’ancien premier ministre Manuel Valls, aujourd’hui apparenté au groupe La République en marche de l’Assemblée nationale, adresse lui aussi une sorte de rappel à l’ordre. « La laïcité, c’est la France, et elle n’a qu’un seul fondement : la loi de 1905, celle de la séparation des Eglises et de l’Etat. La loi de 1905, toute la loi, rien que la loi », écrit le député de l’Essonne dans un tweet.
Sur son compte Facebook, le Printemps républicain, mouvement laïc de gauche, sermonne vertement M. Macron. « Il n’est pas dans votre rôle de réparer les liens entre l’Eglise et l’Etat. Ces liens ont été irrévocablement tranchés, par les représentants du peuple, le 9 décembre 1905. (…) A chaque fois que cet acte politique majeur a été oublié, notre nation s’est fourvoyée. Ne commettez pas à votre tour cette erreur, en tournant à l’envers les pages de l’histoire de France. » De son côté, le Grand Orient de France a lui aussi condamné « une grave atteinte à la laïcité ».
« Récupération grossière »
A droite et à l’extrême droite, en revanche, les propos du chef de l’Etat ont suscité des réactions partagées, oscillant entre soutien et circonspection. Mardi matin sur RTL, la présidente du Front national, Marine Le Pen, a estimé que « le président de la République tente d’anesthésier les catholiques pour pouvoir demain s’attaquer à la loi de 1905 ». « Voilà mon inquiétude. Et je dis aux catholiques que ça n’est pas eux qui seront les bénéficiaires de ce changement », prévient la députée du Pas-de-Calais.De son côté, le chef de file des députés Les Républicains (LR) à l’Assemblée nationale, Christian Jacob, a accusé M. Macron de « récupération grossière » et de « vision communautariste ». « Il faut se méfier avec Emmanuel Macron, il offre à son interlocuteur ce que l’interlocuteur souhaite. C’est encore trop tôt pour en tirer une définition très stricte de la conception qu’il se fait de la laïcité », a ajouté sur France Inter son homologue au Sénat, Bruno Retailleau, qui n’écarte pas « une opération de reconquête électorale » des catholiques de la part du président de la République.
L’épiscopat satisfait
A l’inverse, le député LR Philippe Gosselin, catholique assumé et très actif contre la loi sur le mariage pour tous, lors du précédent quinquennat, a salué « une position qu’on n’avait pas entendue depuis très longtemps et qui détonne dans le paysage ». Frédéric Lefebvre, délégué national du parti Agir, fondé par d’anciens LR pro-Macron, a lui aussi jugé « bienvenu » le discours du chef de l’Etat qui « remonte aux sources chrétiennes de notre pays » et « souligne la conscience d’Emmanuel Macron de la dimension intemporelle de sa mission sacrée de président ».Pour sa part, le président de l’UDI Jean-Christophe Lagarde a jugé sur France 2 « assez ridicule le Macron-bashing d’une bonne partie de la gauche ». « Je ne sais pas si [le lien entre Eglise et Etat] a besoin d’être réparé, je pense qu’il a besoin d’être entretenu », a ajouté M. Lagarde. Enfin, l’épiscopat français n’a pas caché sa satisfaction après les paroles présidentielles. « Je pense que le discours [de lundi] est un discours qui fera date dans l’histoire des relations entre l’Eglise catholique et l’Etat », a déclaré sur France Inter le porte-parole de la Conférence des évêques de France, Mgr Olivier Ribadeau Dumas.
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