Bonjour.
Bonjour ?
Bonjour !
Y a quelqu'un ?
Quelqu'un me
lit ?!
Pfffff.
Encore une illusion.
Personne ne me lit.
Qui me
lirait ?!...
Je n’intéresse
personne.
Je n'ai jamais
intéressé personne. Pas même ma famille. On me jette un coup d’œil, un seul et
on sait. On se détourne. Un bonjour poli, tout au plus que j'obtiens, quand je
rencontre des gens. Parce que je les regarde droit dans les yeux en leur disant
bonjour madame, bonjour monsieur. Avec un grand sourire. Alors ils ne se
sentent pas le choix ; ils affichent leur sourire le plus faux, et hochent
la tête : bonjour. Pas de madame, pas de monsieur. Bon pour monsieur,
c'est normal, je n'en suis pas un de monsieur. Chuis une dame. Enfin, chuis une
dame... Disons que je suis un individu de sexe féminin, parce que je ne
correspond pas exactement à l'idée qu'on se fait d'une dame.
Ouais, une dame, ça
se maquille, ça se fait jolie, tout ça.
Ça ne parle que
lorsqu'on lui demande son avis par politesse sans l'écouter parce que bon,
c'est une femme, tout de même ; on ne va pas s'intéresser à ce pensent les
femmes, quand même, parce que sinon, où va-t-on, ma bonne dame...
Moi, j'en ai rien à
battre, de me faire jolie. Je pars du principe que si j'ai besoin d'un
déguisement pour être une femme, c'est qu'il y a un problème quelque part.
Il y a un problème
quelque part.
Moi, y paraît.
Moi, chuis pas
normale.
Je devrais vouloir
faire un effort d'apparence pour être une femme, une vraie. Je devrais avoir le
réflexe de cacher mes gros seins qui tombent comme des gants de toilette dans
un soutien-gorge qui les redresse et rend le décolleté pigeonnant pour le
plaisir des yeux de ces messieurs, je devrais souligner l'amande de mes yeux
d'un trait de noir pour la rendre plus intense et mettre du rouge sur mes
lèvres pour me faire une belle bouche à pipe propre à faire fantasmer
correctement un inconnu sur mes capacités à le satisfaire sexuellement, je
devrais claquer du pognon dans des vêtements qui m'affinent la silhouette, je
devrais faire des régimes alimentaires pour revenir au taille 38 de ma jeunesse
qui m'allait si bien, mais qui ne m'a pas pour autant permis de rencontrer
l'homme de ma vie...
J'ai joué le jeu,
longtemps.
Ça m'a coûté des
monceaux de thunes, d'être une femme : le maquillage, qui coûte une blinde
dès que vous voulez des produits qui ne vous font pas des trous dans la peau,
l'attirail nécessaire ensuite à vous démaquiller une fois la représentation
quotidienne finie, les fringues pour avoir cette élégance que les hommes disent
rechercher dans leur compagne, les talons haut qui vous font un cul propre à
retourner les hommes sur votre passage, certes, mais qui vous détruisent le dos
un peu plus à chaque pas que vous faites avec, la cire dépilatoire, parce qu'il
paraît qu'une femme qui se respecte n'a pas de poil, et tant pis si vous les
ôter vous arrache des larmes de douleur une fois par mois, soi-disant qu'il
faut souffrir pour être belle...
La privation de
nourriture.
C'est clair que
j'avais moins de budget bouffe qu'aujourd'hui.
Essentiellement parce
que je fumais. Le tabac avait deux vertus capitales à mes yeux : il me
coupait la faim donc je mangeais moins que ce que mon corps aurait eu besoin,
et tenir une cigarette rendait mes gestes élégants. C'est gracieux, de tenir
une clope entre l'index et le majeur, ça vous donne de la prestance. Quand vous
la portez à votre bouche pour en prendre une bouffée, les hommes suivent
machinalement votre geste du regard, découvrant alors la pulpe de vos lèvres
qui s'entrouvrent pour accueillir le corps étranger, et la légère succion les
rend rêveurs. C'est inconscient, mais lorsqu'ils vous fumez, ils prennent tout
à coup conscience que vous avez une bouche à pipe. Alors ils vous trouvent
féminine.
Le tabac était un
énorme poste de dépense : l'accessoire indispensable pour être remarquée,
encore mieux que tout le reste. Alors il fallait se manucurer, poncer la peau
des doigts pour ôter les tâches jaunes de nicotine si vilaines, faire pousser
ses ongles, les limer, les vernir ; deux couches, une base plus une
couleur... Et on recommence une fois par semaine pour avoir les ongles toujours
beaux, élégants, féminins...
Suivaient
naturellement tous les indispensables soin du corps : le tabac, ça vous
donne des rides, ça abîme terriblement la peau, alors vous investissez. Une
crème anti-ride à 60 boules par ci, un lait pour le corps parfumé par là...
Pailleté d'or, les soirs où vous sortez en espérant faire LA rencontre...
C'est-à-dire que votre peau de votre cul brille, exactement l'inverse de ce que
vous voulez pour votre visage, que vous êtes sensée tout faire pour matifier si
vous avez une peau à tendance grasse comme la mienne. Visage terne, corps
brillant de mille feux, pailletée d'or et couverte de sequins cousus à une robe
courte pour qu'on remarque comment vous bougez sur la piste... Tout ça pour
finir avec une bite insensible dans votre pauvre petit vagin trop sensible à
cinq heures du matin, avec un mec qui ahane à votre oreille, qui s'y prend
tellement mal que vous êtes obligée de simuler pour que ça se finisse au plus
vite... Un mec que vous ne reverrez jamais malgré ses assurances de vous
appeler lorsque vous lui avez confié votre numéro de téléphone.
Ouaip.
Des années durant j'ai
été une femme.
Le vagin plein de
foutre, le visage plein de maquillage qui coulait et me brûlait les yeux à
chaque fois que j'avais le vin si triste que je croyais que mon cœur allait
exploser tellement le désespoir de ne plaire à personne au-delà d'un simple
coup d'un soir me tenaillait aux tripes...
Un jour, j'ai acheté
un godemiché en verre.
Pour mes trente ans.
Mon premier orgasme
m'a ouvert les yeux : putain, j'ai claqué en vain tout ce pognon pendant
des années pour être une femme, une vraie, alors que tout ce qu'il fallait
vraiment pour que je prenne mon pied à chaque rapport, c'est que je fasse le
boulot des mecs moi-même ?!
Putain mais quelle
conne !!!!!
Que de temps
perdu !
Que de fric
perdu !
Pourquoi on t'apprend
pas ça à l'école, au lieu de te faire faire des maths dont t'as strictement –
et littéralement, en l'occurrence – rien à branler ?!
Bon j'exagère. Les
maths, ça fini par me servir. J'ai pu calculer combien ça m'avait coûté de
chercher pendant une décennie un homme susceptible de me faire jouir : 50
euros mensuels de maquillage et soins du corps divers, multiplié par 12 mois,
multiplié par dix ans, plus 200 à 300 euros de fringues, chaussures,
accessoires par mois fois douze, fois dix, plus ma part au restau et au ciné à
chaque fois que je tombais sur un mufle qui voulait bien tirer sa crampe mais
pas débourser un cent pour un service qui lui était dû gratis, vu ma tronche,
que je devais déjà être contente qu'il daigne me proposer de sortir avec lui,
quand même, vu ma tronche et mon mètre cinquante si loin de la taille
mannequin qui le fait fantasmer, plus mon entrée en boite une fois par semaine
si je n'y arrivais pas avant vingt-trois heures, alors qu'on se fait chier en
boite, avant minuit, plus le déplacement pour aller sur tous ces endroits où
j'étais susceptible de rencontrer le mec de ma vie... Plus l'alcool, les
drogues pour tenir, jour après jour et supporter la solitude... Ah non, les
drogues, elles étaient remboursées par la Sécu, puisqu'elles m'étaient
prescrites par un médecin.
Les maths, ça m'a
servi à calculer qu'un homme, ça ne sert à RIEN.
Depuis, je suis un
individu de sexe féminin : j'ai arrêté de fumer, j'ai laisser tomber le
maquillage, les produits de « beauté » qui ne te rendent pas belle
mais te font croire vu le prix que t'y a mis que tu l'es devenue façon bonne
marraine la fée d'un coup de port de crème mâââgique, le budget fringues
insensé, les chaussures à talons qui m'ont refilé le mal de dos que je me tape
maintenant à les avoir portée pendant dix trop longues années ; je mange
bio des produits que je cuisine moi-même et dont la saveur mettent mes sens à
la fête, et j'écris des romans pour m'imaginer une vie sociale épanouie.
Rien à foutre de
l'IRL.
C'est pas
intéressant, l'IRL : c'est bourré de keums moches qui sont tout juste
capables de te bourriner comme des porn star en rêvant qu'ils ont des queues
d'étalon alors que tu rêves d'être enlevée sur un cheval blanc dans les bras
d'un mec beau comme un dieu grec – les dieu grecs les plus beaux de face ont de
belles fesses mais des petites queues bien molles ; allez le vérifier par
vous même, en soulevant les feuilles de vigne de marbre des statues conservées
dans tous ces musées que vous dédaignez, bandes d'incultes – même et surtout si tu te trouves moche comme un
cul ; des keums qui en plus, ne veulent pas mettre de capote pour pas
gêner LEUR plaisir, donc tu te retrouves en prime avec les bébêtes qu'ils ont
eu la bonté de te refiler avec leur laitance pourrie remplie du SIDA qu'ils ont
pécho à force de s'enfiler des singes et des chats : des champi pas
hallucinogènes, hélas ; des morpions si t'as de la chance, l'aid(s)(e) si
t'en n'as pas (rayez la mention inutile, les enfants)... Quand c'est pas un
polichinelle qu'ils te laissent dans le tiroir. Tout ça pour un peu de purée
trop pâle pour être honnête qui pue la pisse et te coule entre les cuisses en
collant sur ta peau pailletée d'or grâce au lait miracle qui t'a coûté un bras,
alors que tu rentres chez toi en pleurant comme un veau à l'abattoir, le ventre
endolori par les coups de butoir que ce connard a eu la bonté de te refiler en
te disant « t'aime ça salope, hein t'aime ça », tout ça parce que toi
tu faisais « ouiii ouiiii ouiiiiii oh oui vas-yyyyy » pour que ce
mauvais moment passe plus vite.
J'ai une belle
collection de godemichés, j'avoue, ce qui est ridicule, parce que je n'en
utilise qu'un : Spartacus, 29,95 euros en promo parce que c'était le
dernier invendu d'une série qui se faisait plus, une superbe bite de verre ni
trop petite ni trop grosse, courbe, au gland élégant parce que circoncis – les
prépuces ça pue la pisse parce que vous avez une hygiène plus que douteuse, les
gars, désolée de devoir vous casser le mythe – qui dispose une extrémité
torsadée pour une meilleure prise en main, et qui, à chaque usage fait déferler
en moi ce plaisir merveilleux que j'ai si vainement cherché avec les hommes
pendant une décennie. A chaque usage. Si, si, j'insiste, messieurs : à
CHAQUE usage. Je ne me souviens pas d'une seule fois où il ne m'a pas comblée.
J'ai eu des demi-orgasmes quand j'étais pas trop en forme, mais un
demi-orgasme, c'est quand même mieux que des larmes de frustration dans le
premier métro avec l'envie de gerber de n'être qu'un pauvre sac à foutre dont
personne ne veut.
« Et la tendresse ?»,
me direz-vous...
« La tendresse,
quoi, merde ! C'est ton gode qui te la donne, salope ?! »
argumenterez-vous...
Eh bien permettez-moi
de vous rétorquer :
MOUHAHAHAHAHAHA !!!
La tendresse...
Sans blague, les
arguments à deux balles, nécessaire aux hommes pour se sentir mâlement
indispensables...
La tendresse, aucun
des hommes que j'ai rencontré n'en a fait fait preuve à mon encontre, à part
pour me signaler qu'ils avaient les couilles pleines, et qu'il était temps que
j'écarte les cuisses pour qu'ils puissent faire leur petite affaire. Et surtout
que j'oublie pas de simuler, hein, ça les aide à venir, ces petits pédés – si,
d'abord, j'ai droit d'utiliser le terme sans passer pour une homophobe, parce
que je l'utilise au sens premier, celui de pédéraste, le gars qui aime les gens
le plus jeune possible et c'est pas mon grand père maternel ou mon oncle Alain,
Marie-Claire et Vogue qui oseront me contredire à ce propos, hein les
pédés ! – s'ils ont l'impression de me faire jouir alors qu'en réalité ils
me font mal, ce qu'ils savent très bien quand ils me pénètrent puisqu'ils se
plaignent que je ne suis pas assez lubrifiée, ce qui est encore quelque chose
qu'ils peuvent me reprocher : je ne fais aucun effort pour être une femme,
bordel : je mouille même pas pour eux !
Pour la tendresse,
j'ai trouvé une solution beaucoup plus satisfaisante qui n'implique pas que
j'écarte les cuisses parce que la tendresse, ça met l'homme au garde-à-vous et
tant pis si j'ai la migraine, pas envie, pas...
LE CHAT.
Nan, pas le logiciel
qui permet de dialoguer avec des trou du cul – si, si, des trou du cul ;
vu la merde qui sortent de leur clavier, ça ne peut être que des trous du cul –
sur internet... Le chat, l'animal poilu qui fait miaou et qui se frotte contre
vous pour vous inciter à lui donner de la pâtée sheba qui pue et coûte la peau
de votre fesse droite – celle de la fesse gauche, vous l'avez perdu à force de
payer des millions de trucs inutiles pour passer pour une femme espérant
désespérément plaire un un mec pendant une décennie.
Le chat, c'est comme
un homme : quand il se frotte à vous, c'est parce qu'il veut quelque
chose. Mais il ne se plaindra pas que vous n'êtes pas assez lubrifiée ;
lui ce qui l’intéresse, c'est la bouffe. Et la bouffe pour un chat, ça coûte
quand même beaucoup moins cher que pour un homme, même quand c'est du sheba.
Grand seigneur, le
chat prend son mal – et son estomac – en patience, pendant que vous
couinez : « ooooooh voilà chouchou qui veut des
câlins !!!! » et que vous lui en donnez, des câlins, plein. Vous le
bisoutez vous le caressez de tout votre saoul, et puis vous finissez par lever
votre – gros – cul de votre chaise pour lui ouvrir une boite, toute
impressionnée par l'amour que vous êtes persuadée que vous porte cette petite
bête.
Je suis une vieille
fille à chats.
J'en ai trois, que
j'aime d'amour et qui me le rendent bien, mieux si je leur donne du sheba, ce
que je m'efforce de ne pas trop voir, comme ça je ne perds pas illusion qu'ils
m'aiment pour moi et pas pour le sheba.
Il y a la blanche,
qui dort le matin pour se remettre de sa sieste de la nuit, l'après midi pour
se remettre de sa sieste du matin, le soir pour se remettre de sa sieste de
l'après midi et la nuit pour se remettre de sa sieste du soir, et qui se fout
totalement des bisous : impavide sous les lèvres elle déclenche la boite à
ronron à chaque fois que vous la touchez, et si elle est d'humeur, elle se lève
pour chercher la main qu'elle préfère aux lèvres ; ouais les chats, ça
vous considère comme une brosse géante, vous êtes surtout pratique pour évacuer
le surplus de poils à chaque mue.
Il y a la grise rayée
style Européen à points genre Africain, qui n'aime pas les bisous et qui
s'enfuit si vous vous approchez pour lui en faire, ou qui se fait toute petite
entre vos bras avec la mine revêche pour bien vous signifiez combien vous
outrepassez ses droits protégés par la convention de Genève du félin avec vos
bisous pourris, mais elle viendra vous piétiner en faisant des huit ou des
cercles – mais rien à voir avec les positions du champ de fleurs par rapport au
soleil ; c'est un chat, pas une abeille – avec extase lorsque vous êtes
assise sur votre fauteuil avec les genoux assez dégagés pour qu'elle saute
dessus avec l'élégance malgré l'embonpoint que confère l'abus de sheba à
l'animal castré, cherchant vos mains avec avidité pour une séance de caresses
parfaitement tolérée contrairement à ces bisous pourris que vous vous entêtez à
vouloir lui faire.
Il y a enfin le petit
gris tout doux, qui n'aime pas les bisous, mais qui lui les gère très bien,
stoïque sous les lèvres, vous observant de son œil rond qui frise, plein
d’espièglerie : gnaquera, gnaquera pas ? Et hop, au moment ou vous
vous y attendez le moment, il vous mord le nez par jeu. Pas trop fort, ça lui
mal mal au cœur quand il vous fait saigner.
J'en ai trois, des
chats ; comme ça, j'en ai toujours un à disposition quand j'ai besoin de
tendresse : comme ça tombe pas toujours sur le même, ça les rends moins
neurasthéniques, mes bisous dont personne ne veut.
Je suis une
vieille fille à chats et à godemichés,
et je lève mon majeur à la santé de tous ces bitards qui me traitent de mal
baisée, parce que je n'ai jamais été aussi bien baisée que depuis que j'ai
arrêté de chercher un homme capable de m'aimer.
Comment ça, je vois
tout en noir ?
Je suis juste
réaliste : Je suis grosse petite et moche.
Si si...
Grosse : entre
88 et 98 kilos en fonction des saisons et de la façon dont ma thyroïde
déconne ;
Petite : un
mètre cinquante et un, mais à quarante-cinq ans, le un, je ne vais pas le
garder encore bien longtemps le un, vu que l'âge ça tasse ;
Et moche, si moche
que ma mère m'appelait l'éléphant de mer quand j'étais ado. Vous avez la
tronche que ça a, un éléphant de mer ?! Comment voulez-vous que je me
considère comme jolie, après avoir été éduquée à la méthode Coué pour bien
prendre conscience de ma laideur dès le départ ?!
Je peux faire tout ce
que je veux, je ne ressemblerai jamais à l'idéal féminin que distille les
magazines féminins et la pub dans nos esprits ; jusque dans mon cercueil
je resterai grosse petite et moche, y a rien à y faire, même si les porteurs de
mon cercueil me maudiront de ne pas avoir fait un régime de mon vivant pour les
soulager un peu, quoi, merde.
C'est génétique :
mon père était un nabot, ma mère était une salope.
Nabot + salope = sale
gosse, grosse petite et moche.
Je m'en fous, j'ai
une vie plus riche que la vôtre, parce que j'ai arrêté de lutter contre
l’inéluctable pour consacrer ma vie à mon écriture. Dans ma tête, je suis ce
que je veux ; mes héroïnes sont grosses petites et moches, mais des mecs
beaux comme des dieux tombent amoureuses d'elles, et toc. Et quand je suis bien
chauffée, paf paf paf ; trois petits coups de Spartacus et je suis mieux
baisée que la plupart d'entre vous, mesdames. Ne vous en déplaise, messieurs.
Ouais, c'est tout ce
que je fais de ma vie. La réussite professionnelle, la reconnaissance de mes
comparses, l'amitié et l'amour, je m'en contrefous : ça n'existe que dans
votre tête, tous ces trucs. J'ai quarante-cinq ans ; j'ai enfin assez de
bouteille pour vous affirmer que ça n'existe pas, l'amour, l'amitié, la
reconnaissance des autres, la réussite professionnelle. Tout ça ce sont des
merdes destinées à vous donner l'illusion de vivre, pour ne pas penser au seul
véritable but de la vie : la mort. Vous pouvez vous taper le cul par terre
autant que vous voulez : vous ne vivez que pour mourir un jour.
Les enfants ?!
Pffffff.
Un truc encore plus
inutile que les hommes, ça, les enfants. Ça pue, ça vous prend des monceaux
d'énergie, ça vous demande des tonnes de fric... Aucun intérêt. Les enfants,
c'est comme comme le crédit d'une baraque : vous en prenez pour vingt ou
trente ans, avec une différence : impossible de vous en débarrasser si
vous n'arrivez plus à rembourser les mensualités. Sauf si vous appelez
Christiane et que vous avez accouchez d'une Emmanuelle, que vous voulez
éliminer pour faire votre petit Jean-Hervé chéri d'amour le seul, l'unique
enfant que vous avez pondu.
Être mère ne m'a
jamais intéressé. J'ai pas joué à la dînette ni à la poupée, même si j'ai
beaucoup joué à papa-maman dans la petite enfance. J'ai toujours voulu être
aimée, physiquement, et ce que j'ai désiré si fort, je ne l'ai jamais obtenu.
Je n'ai jamais pu faire ne serait-ce qu'une seule fois faire l'amour avec un
homme qui me plaisait physiquement ; j'ai juste été baisée par les moins
regardant d'entre vous. Du coup c'était assez logique que j'avorte, les deux
fois où je suis tombée enceinte : je ne me voyais pas élever un gosse qui
avait cinquante pour cent de chance de ressembler à l'enculé m'ayant engrossée.
Pourtant c'est clair
que vous m'y avez tous et toutes incitée à en avoir, des chiards. Qu'est-ce que
vous avez pu me casser les ovaires avec ça... « Les enfants, c'est trop
trop bien ! Ouais, mais tu dis ça maintenant, mais quand tu en auras, tu
verras, c'est tellement différent... Comment, t'as trente-cinq ans et t'as
toujours pas d'enfant ?! Dépêche-toi, l'horloge biologique fait tic-tac ! »
Putain mais qu'elle
sonne la ménopause, cette foutue horloge biologique qui n'existe que dans vos
têtes...
Je ne veux pas
d'enfant,
je ne veux pas
d'enfant,
je ne veux pas
d'enfant.
Et j'en ai marre
d'avoir mes règles. Foutez-moi la paix avec votre désir de me voir vous
ressembler, bordel. Je ne veux pas d'enfant, je ne veux pas de mec, je veux
écrire des romans, me branler avec Spartacus et faire des bisous à mes chats,
le reste ne m’intéresse pas ! Le reste ça n'existe pas ! L'amour ça
n'existe pas ! Non ça n'existe pas, c'est pas vrai ! Sinon il n'y
aurait pas autant d'hommes qui buteraient leurs ex « par
amour » ! Et ma mère, ma mère elle ne m'aurait pas traitée d'éléphant
de mer, elle ne m'aurait pas abandonnée sans même un regard en arrière, et
j'aurais eu une vie aussi pourrie que la vôtre, à courir tous les mois après de
la thune, pour payer les traites de la voiture, de la maison, du frigo, du
lave-linge, pour montrer que vous avez une vie qui vaut soi-disant la peine
d'être vécue, avec vos gosses qui vous reprocheront à la première occasion de
les avoir mis au monde parce que la vie, c'est de la MERDE !!!!!
Aha.
Voilà, on a mis le
doigt dessus.
L'amour de la mère.
Les enfants sont des
plantes, l'amour est l'eau dont ils ont besoin pour s'épanouir.
Je n'ai pas reçu
d'eau.
Vous voulez savoir
jusqu'où ma mère a été pour me priver d'eau ?
Lisez.
Vous jugerez après.
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